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  Tour d'Europe du nord 

boucle au départ de Mauves-sur-Loire

  semaines 24 à 28 

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Lundi 25 septembre : Pelnik > Jamielnik

Sous beau soleil, je pars difficilement de Pelnik. Je me suis habitué à cette commune où j'ai dormi trois nuits. J'éprouve beaucoup de difficulté à me mettre en jambe, je traîne, le cœur n'y est pas. Je parcours pour la 5ème fois les 5 km jusqu'à Łukta (1), puis pour la 3ème fois 19 autres jusqu'à l'entrée de Miłomłyn. Après ça va mieux, les paysages sont nouveaux.

Je déniche, par un détour de 2 km, un bord d'étang un peu aménagé (bancs, table, poubelles, terrain de volley ; pas d'abri ni de toilettes) en forêt de hêtres à 500m de la première maison au Sud-Ouest du bourg de Jamielnik.

Le soleil s'est couché à 18h06 derrière la colline arborée, donc environ 18h15 en horizon dégagé. À 19h, si j'avais voulu rester dehors, ma lampe frontale eût été nécessaire sous les arbres. À 19h15, toutes sources lumineuses éteintes, dans ma tente, je ne vois plus mes pieds. Ma stratégie est donc de dormir tôt avec un endormissement à partir de 20 heures, puis tenter le réveil très tôt, pour boucler le maximum de choses à l'intérieur de la tente, dans la lumière qui précède le lever du soleil, afin d'espérer un départ effectif à 9 heures (2). En sous bois, la rosée devrait être infime, donc ne pas nécessiter d'attendre le séchage de l'intérieur du double-toit. Si tout cela fonctionne, qu'en sera-t-il après la pluie et/ou en heure d'hiver ?

(1) samedi, j'ai fait un aller-retour pour retirer du liquide pour le camping.

(2) non plus 11H quand le soleil ne se couchait pas, non plus 10H à partir du sud du cercle polaire. Bon an mal an, il me faut en moyenne 2h30 de la première paupière ouverte au premier appui sur la pédale, si je ne fais pas l'impasse sur la toilette et/ou le petit déjeuner, mais également si je n'ajoute pas une tâche imprévue.

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exemple de forêt primaire de hêtres, classée au PM UNESCO 

si je n'avais pas oublié mon portefeuille et fait demi-tour, le kilométrage me dit que j'aurais planté là, sur le domaine public, attesté par le petit panneau d'aide européenne

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Hôtel de ville de Iława (iwawa)

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18 heures, lieu de plantage à Jiamelnik (illamélnik)

Mardi 26 septembre : Jamielnik > Grudziądz

Hier soir j'ai tué la chandelle à 20h15 dans le but d'obtenir mon compte de sommeil tout en me levant tôt, mais persuadé que je resterai éveillé des plombes. Il me semble que j'étais endormi avant la fin de cette pensée : le vélo, ça fatigue. Réveillé à 6h45, j'ai battu mon record de préparatifs sans soustraire le petit dej ni la toilette, aidé d'absence totale de rosée sous les arbres, et d'un pêcheur à 10 mètres qui me voyait d'un mauvais oeil, plutôt qui m'entendait d'une mauvaise oreille : mes bruits et sa chasse aux poissons semblent ennemis. À 8h15 je roule, frais comme un gardon vivant, motivé par une météo clémente de ciel bas mais non froid, dotée d'un vent léger dans globalement le bon sens : d'un travers avant, ma direction bénéficie désormais d'un travers arrière.

C'est peu avant la grande ville de Grudziądz que les choses se compliquent (1). Je perds la pédale droite !!! Je la remets en place sans problème ; la virole fonctionne parfaitement. J'avais dû la fermer mal (2). Jusqu'au soir, la catastrophe se produit une chiée de fois (3) qui m'oblige à dénicher un lieu de campement en ville. Après maintes recherches, je finis dans un camping ouvert mais totalement vide, y compris à l'accueil. 

À la nuit, c'est à la faveur de l'arrivée d'un camping-car allemand qu'un gardien m'explique, traduit par un jeune papa qui promenait bébé, qu'il m'en coûtera demain matin 25 zlotys (6€ !!!) mais wifi inopérant. Je prends toutefois le risque d'une grosse lessive, gratuite (!!!), en essorant au maximum (800 tours seulement), en étendant sous abri juste avant de me coucher, et en espérant soleil et vent dès demain matin. Mais je sais aussi qu'il me faudra peut-être du temps pour réparer la fixation de cet axe mâle de pédale (4) dans l'axe femelle de sa manivelle.

(1) chef-lieu Ajaccio. Comprenne qui pourra.

(2) Le gorille, Georges Brassens "Tout à coup la prison bien close / Où vivait le bel animal / S’ouvre, on n’sait pourquoi. Je suppose / Qu’on avait du la fermer mal"

(3) 11, donc. Même sanction que (1)

(4) usure due au sable à 10500 km ? Mais j'ai déjà une partie de la réponse : j'aurai dû partir avec les jeux de rechange, droite et gauche, de ces petites pièces très peu lourdes.

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koniec = cervidés ; panneau = cervidés dans les virages ? virages et cervidés ?

3 virages ? 3 virages environ ?

virages durant 3 km environ ?

on n'a pas vu un seul koniec à 1,7 km

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ce n'est pas du tabac : je ne sais pas ce que c'est

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fameux demi-traits polonais

(je ne sais pas photographier les animaux)

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sorte de calvaire religieux

le moindre hameau en est dôté, partout, sans cesse

 

Mercredi 27 septembre : Grudziądz > Chełmno

Au matin. les vêtements ne sont évidemment pas secs. Je les place sur un étendoir fixé exactement... à l'ombre. Voyant que ça n'aboutira pas, je déménage ce tancarville au soleil en équilibre contre un mur blanc avec la chance simultanée que le vent, faible toutefois, se lève enfin.

Puis désormais je passe à l'aspect mécanique : démontage de la cage de roulement (femelle dans la manivelle), nettoyage à l'eau chaude, puis au papier absorbant, puis à la pointe de lime à ongle. Visuellement c'est nickel. Je remonte et fixe par sécurité la virole en position fermée avec de la toile adhésive. Quand tout est enfin prêt, compris les séchages des vêtements, je décolle à 11h15, pour un lever à 6h45 !

À la réception du camping, le wifi fonctionne : je mémorise deux itinéraires dont 2 km en commun : l'un pour rejoindre la WTR (1), l'autre pour me rendre à un magasin de vélo... Après seulement 1,5 km, la pédale sort sans que la virole ne s'ouvre. Ce sera donc direction l'atelier de cycles, situé à 4 km de plus dans le sens opposé à ma direction souhaitée, durant lesquels la bestiole se détachera encore deux fois.

Au magasin, on me propose un seul type de pédale pour le prix dérisoire de 40 zlotys. J'en achète deux, on me les monte sans que je le demande. Il m'en coûtera... 50 car le prix était par paire (les pas de vis sont opposés) plus 10 de montage. L'usage se révèle, pour mon 47 fillette, difficile sans cale-pieds, sous butées plus courtes et surfaces plus réduites. Encore une fois, il suffit qu'elles tiennent jusqu'en Allemagne où je dénicherai peut-être un revendeur agréé MKS tenant en stock ces petits jeux de roulements. Les pédales elles-mêmes ne sont pas à incriminer, probablement plutôt moi parce que ces roulements sont des pièces d'usure où plus 11.000 km (2) semblent d'une belle longévité.

Il est 14h15, j'ai fait seulement 10 km sans m'éloigner. Heureusement il fait très beau, très chaud même, tempéré par un vent latéral avant qui me ralentit mais aide à supporter les 29° à l'ombre. La journée est foutue pour une distance normale. Je stoppe peu avant le coucher de l'astre solaire et cède pour le seul camping de la région à cause de son prix (12zt = moins de 3€) et de sa superbe grande plage en bord de lac. D'ailleurs je me délecte d'une baignade, avant de dîner à la lampe frontale pendant que les moustiques œuvrent avec le même appétit de mon sang. Si fait qu'en représailles, je ne les ai pas invités dans ma tente intérieure.

(1) pour "Wis!lana Trasa Rowerowa" = "Piste cyclable de la Vistule" en rive droite du fleuve Wisl!a ; face à l'EV9 sur la rive opposée

(2) 1.000 traversée de France en octobre/novembre 2022 + 1500 tour de Bretagne en décembre 2022/janvier 2023 + le kilométrage actuel

 

étude de cas : la sacoche de guidon

dans la pochette : passeport, divers papiers, cartes de visites de mes sites, stylo

espace principal, de gauche à droite et haut en bas :

croquettes pour les chats, nouveau portefeuille, huile de chaîne, couteau suisse, câbles et prises, sangle, lampe frontale, 2 accus

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beaucoup de statues de bois, figuratives, assez grossières

celle-ci est plus fine et assez énigmatique

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avant réparation

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des petites épiceries dans presque chaque hameau et tous les villages

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séchage du linge

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l'abbaye de Chelmno

vue d'en bas

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digue de Grudziądz à Chelmno

le long du fleuve Vistule (Wisla)

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après baignade

le lac et sa plage

 

Jeudi 28 septembre : Chełmno > Nowe-Smolno

La WTR est plaisante mais sans attrait particulier. Elle longe, le plus souvent sur sa propre piste, des petites routes asphaltées mais séparées du fleuve par une levée si bien qu'on ne le voit jamais. À Czarźe, par contre, c'est le relief naturel qui protège les campagnes en fond de vallée. La piste devient itinéraire par la route et chemins "Bałtycka" au creux d'un méandre, un ravissement pour les yeux par les lieux-dits "Słończ-Dolny", "Słończ-Śrokowy", "Rafa", "Pień" et "Mosgowina" et jusqu'au magnifique bourg d'Ostromeck.

Avec le pont qui enjambe le fleuve, je subis la traversée des banlieues de la très grande Bydgoszcz. Je fais l'impasse du cœur de cité, paraît-il charmant, mais je ne veux pas me retrouver en fin de journée à chercher un lieu de plantage en ville. Ensuite c'est une grande pinède et ses chemins sableux, où les roues s'enlisent, qui me font souffrir. J'en sors par l'affreux bourg de Brzoza où toutes les routes sont entièrement en travaux dans un nuage permanent de poussières générées par une circulation démentielle à la débauche. En construction également, une très large piste cyclable : je roule maintenant à côté, ou sur selon les travaux, de l'EV9... qui pour l'heure n'est pas balisée et se présente sans intérêt visuel, d'autant qu'elle s'arrête sans prévenir en franchissant le canal (kanał) Notecki. Je sors de cet enfer routier en longeant l'eau durant un bon kilomètre pour planter sur sa rive au fond d'un champ et derrière un rideau d'arbres. Le lieu est petit entre les roseaux, on peut y loger une voiture et deux tabourets de pêche, ou, deux motos et un petit feu de camp. Ce soir ce sera une tente et un vélo vert affublé d'un panache curieux et grandiloquent de drapeaux bariolés. À la nuit lumineuse de sa lune presque pleine, l'endroit s'affirme particulièrement bruyant : sauts incessants de poissons gobant des insectes, batifolages et jacasseries d'oiseaux divers et nombreux, bruissements de roseaux par de gros animaux cherchant à se désaltérer : cervidés c'est certain, d'autre(s) peut-être.

Il est 21h17, j'entreprends de "mettre la viande dans l'torchon" (rentrer dans le sac de couchage"). Il s'agit d'autant plus d'une image qu'avec 22° au sein de la tente intérieure, il me faudra attendre le frisquet du milieu de nuit pour enfiler le duvet.

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église à colombages, à fenêtres, bi côtés et hauteurs, clocher bois, 1829 à Kokocku

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nombreuses chutes dans les secousses

aujourd'hui bananes et maillot de bain

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nombreuses vieilles maisons superbes en désuétude et souvent à vendre

isolation, eau courante et électicité non garanties

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pont de 2 km de Strzyżawa à Grudziądz

 sur le fleuve Vistule (Wisla)

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plantage du soir

le long du canal

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13h45

ma pause déjeuner sous les tables abritées et la sortie des 2 écoles primaires

pour l'attente du bus

à Ostromecko

et son église

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Vendredi 29 septembre : Nowe-Smolno > Modliszewo

Éveillé à 6h45, je décolle à 9h15. Je retourne au pont et reprends l'enfer de cette grande route en travaux de partout, heureusement ce matin arrosée pour plaquer la poussière au sol. À l'entrée de ce qui n'était pour moi alors qu'un passage obligé, le bourg de Łabiszyn où on impose à la circulation automobile un détour. Nous ne sommes plus en Scandinavie ni en pays baltes, la désobéissance est fréquente, dont la mienne. À la sortie de la déviation, la police aligne : file d'attente pour obtenir son PV. On me laisse passer sans même me prêter attention. Un peu anxieux, je file en face pour subir les autres travaux en continuant tout droit, logiquement.

Et je crève !!! Il s'agit évidemment du pneu avant, le premier prix acheté le 9 septembre à Liepāja en Lettonie, monté le 16 à Virbalis en Lituanie.

Je vise un parking près d'une église, mais en plein soleil je préfère, attenant, l'espace ombragé de l'entrée du cimetière, marqué par un splendide magasin de fleurs. La fleuriste me propose spontanément un seau pour rechercher le trou dans la chambre, puis je répare tranquillement, dont l'attente de la vulcanisation à froid durant laquelle la même personne m'offre un café... Il me semble qu'on a déjà vu mise en œuvre plus difficile, à l'ombre d'une matinée radieuse. Et si ? Est-ce que les cale-pieds de mes anciennes pédales peuvent se monter sur les nouvelles ? Je présente l'enfant à sa mère. A priori oui, les bitoniaux en plastoc qui maintiennent le catadioptre avant s'enfichent dans des yeux aux mêmes endroits que les fixations des brides. Je démonte les uns et les autres et fixe les cale-pieds en lieux et places des bandes réfléchissantes. C'est simple, il suffit de tenir le vélo d'une main, la pédale de l'autre, la bride de la troisième, la vis et sa rondelle d'une quatrième avec la clé étoile en bout, et surtout, surtout bloquer le boulon qui ne veut absolument pas rester de marbre (il est contre, le boulon) à l'aide d'une clé à oeil trop grande avec la cinquième main. Le résultat est sans appel, c'est presque comme avant. Certes mes pieds débordent toujours puisque la nouvelle pédale demeure plus petite, mais l'appui est redevenu directionnel et efficace.

Je repars, vraiment heureux, vif du café. Pour fêter ça, j'allume mon GPS et l'application LocusMap hors ligne : en prenant tout droit ce matin, j'allais m'imposer la grande route infernale directe alors que l'EV9 passe dans le bourg de Łabiszyn qui se montre radieux et simple, autour d'une place accueillante et vivante. C'est le dernier acte de cette riante matinée. Et si j'avais pris la déviation ? Et si je n'avais pas crevé ?

À part pédaler sans cesse pour rattraper mon retard, je ne trouve pas à planter dans un environnement qui redevient presque exclusivement des champs immenses sans bosquet ni haie. Je fais comme d'habitude le difficile dans la seule forêt de la journée, puis constate qu'aux bords de nombreux étangs il n'existe absolument rien pour passer, au sec et avec wifi, la nuit pluvieuse annoncée. À la faveur d'un panneau régional d'information, en me détournant de 7 km de mon itinéraire, je déniche un grand abri avec tables et bancs en bord de stade d'une toute petite commune.

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plantage au matin

le long du canal

réparation crevaison et fixation des cale-pieds sur les nouvelles pédales

près du seul "fleuriste" du cimetière : fleurs artificielles à l'extérieur et lanternes à l'intérieur

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église en bois à murs inclinés et clocher séparé à Ryszewko

aucune information ni aide européenne visible

Samedi 30 septembre : Modliszewo > Jankowo-Młyn

Il a plu dans la nuit... sur le toit de l'abri qui recouvre ma tente ! Un vent fort, dans la bonne direction cette fois, celle portante, assèche le sol... puis amène de nouveau une pluie fine. Le temps de tout préparer, deux heures, le vent change encore pour devenir comme d'habitude depuis quelques jours : de face et sec.

Je sors du petit village, traverse ensuite le hameau de Napoleonowo pour voir toute la journée des champs immenses, décharnés, sentant le gaz (les engrais sur les choux à vaches), pour subir une recherche fouillée mais infructueuse de wifi (comme d'hab), pour m'enliser encore et encore dans du sable de la seule forêt de la journée (comme d'hab), et pour me tromper (c'est nouveau) de chemin (+ 4 km).

Par chance, je m'installe dans un camping peu onéreux avec douche incluse, abri somptueux et wifi.

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plantage au matin

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monstre au fond du terrain de foot

Dimanche 1er octobre

7° cette nuit, 13 dans la tente intérieure, 39°6 je suppose dans le duvet. L'automne arrive. Je décide de rester pour finir la mise à jour du site et aller me promener.

Catastrophe ce matin, Wix impose une mise à jour : 5 heures de perdues à essayer de contrer la chose, puis de réparer une partie de mon travail, puis à apprendre le nouveau mode d'emploi. Là il est 18 heures, zéro promenade, j'ai fini les textes, pas encore réussi à insérer une seule photo. Je suis dégoûté. Espérons que la procédure d'insertion n'a, elle, pas changée.

22h40, j'arrête. Il me reste encore les photos de samedi et dimanche. Il pleuviote. Des chiens aboient sans cesse aux alentours et j'ai entendu plusieurs coups de fusil : il s'agit d'éloigner un ou des loups. Je suis d'accord car je suis archi seul.

Ce n'est pas un loup. C'est clairement un grognement sonore et caverneux, genre ours. Je ne suis pas près de sortir de la salle en bois. J'envisage même d'y dormir mais il faut que j'aille chercher mes affaires (matelas, duvet, etc).

Je viens d'aller sur internet pour écouter le grognement de l'ours : c'est bien exactement pareil. Il s'agit bien d'un ours qui se balade aux alentours proches.

Endormi à 1h30 après une heure d'attente sans grognement. Réveil 6h30 : va pas falloir me bercer ce soir.

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2 des 3 configurations de travail : dehors, et ici dans les toilettes ou dans l'immense tipi

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le tipi et le feu central (cuisson des pâtes et thermos pour le café de demain matin)

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Lundi 18 septembre

C'est rare, mais trois possibilités s'offrent à moi ce matin : au Nord la grand route goudronnée rapide, confortable et bruyante, au Sud la GreenVelo certainement magnifique mais ici très longue de nombreuses circonvolutions éloignées. Entre les deux, j'opte pour un parcours local doublement marqué cycliste et pédestre. Il se révèle bien roulant au creux d'une ancienne ligne de chemin de fer (1). L'après-midi présente moins d'attrait, je ne trouve rien pour planter sauf malheureusement des lieux de plus en plus sales, ou auprès des villes, des lieux d'alcoolisation. Je finis dans un petit camping pour moi seul, sans même les propriétaires partis, pour 35 slotis (30 parce que je suis français, mais sans wifi ni cuisine. Il faut 4,12 zlotys pour faire 1€).

(1) très similaire à nos VV pour Voie Verte)

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3 photos du matin

étude de cas : la sacoche nourriture

avant rangement final

puis les 7 sacoches

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ajout du drapeau polonais

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magnifique double pont

perdu dans la forêt

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les villes annoncent les lieux touristiques par un panneau normé : souvent c'est la cathédrale et l'ancien château d'eau. À Gołdap (avec l barré qui se prononce we > "gowdap"),

on rappelle aussi que l'été n'est pas la seule saison.

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première vigne

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panneau d'information sur la GV

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un couple cycliste polonais

sur le pont

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pont suspendu vélo sur la GV

et l'aubette architecturée de base

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plantage du soir

 

Mardi 19 septembre

Environ une heure après le départ, je subis une bonne pluie franche et durable. Rien d'alertant, c'est plutôt de saison, aussi je poursuis en vent de face avec veste et pantalon de pluie. Je suis étonné d'avoir un peu froid, si l'eau ne traverse pas, sa froideur doit l'influencer ; me dis-je. À la faveur d'un abri de terrain de foot, j'entreprends une pause où j'ôte ces vêtements : dessous, je suis trempé !!! Catastrophe réelle pour moi, je comptais sur eux pour les 9 semaines de très possibles pluies automnales à traverser de part en part Pologne, Allemagne et France. Ils fonctionnaient pourtant à merveille au printemps et durant l'été pluvieux dans le grand nord (1). Que s'est-il passé ? Vieillissement ? Mauvaise conservation ? J'avais opté pour le Pertex moins onéreux qui jusqu'à présent me donnait entière satisfaction, plus abordable que le Gortex, et a fortiori que le GortexPro (à 700€ la veste). Personnellement, quand j'angoisse, je mange : deux heures après un petit déjeuner complet, je déjeune copieusement.

Je reprends la route, vraiment atteint moralement par cette déconvenue. Je m'arrête dans un "restaurant" : j'ai besoin d'un café ! Il est fermé mais le fils de la patronne me dit qu'il est ouvert pour mon café. On me demande si je veux autre chose? Je crois être poli en formulant "un petit gâteau" parce qu'il y en a toujours partout depuis la Finlande pour moins (de l'équivalent ici) d'un euro. Là non, on me propose autre chose, je dis oui, j'aime assez découvrir en matière culinaire. Je discute avec intérêt. Le café arrive, "à la turque", c'est délicieux mais surprenant : surtout il faut attendre que la mouture se dépose au fond. Ça prend du temps... qui semble nécessaire pour la friandise toujours invisible. La discussion avec mon interlocuteur, 33 ans (l'âge de mon fils), ainsi que son épouse, 30 ans (l'âge de ma fille) est passionnante. Arrive... le plat ! Pour moi seul, une bonne douzaine de très très gros raviolis, entièrement confectionnés à l'instant, une pâte de farine et d'oeufs, fourrée d'un mélange de pomme de terre et de fromage, cuit à l'eau, recouvert d'oignons émincés frits et fondants. Nous avons discuté longtemps, ils n'ont jamais voulu que je paie.

Le reste de la journée fut employée à digérer trois gros repas en quatre heures, doucement donc quant au rythme de pédalage, d'autant que les paysages deviennent plus moroses par une piste un peu décevante même, tant la GV devient linéaire, sans attrait particulier, si bien que je vise pour planter plutôt une installation communale, en contrebas du terrain de sport, au creux d'un méandre de la Lyda, à Sępopol. J'y ai fort bien dormi, mais tard : les ados du coin se sont tout à tour donné le mot pour venir vérifier leur anglais et tenter de m'apprendre quelques notions de déclinaisons polonaises.

(1) respirant, la sueur s'évacue, ET imperméable, l'eau ne pénètre pas

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"Tu connais l'histoire Des chiffres et des lettres polonais ?"

- Non

-  C'est l'histoire des chiffres et des lettres en Pologne. On en est aux lettres. Premier tirage : consonne P. Le P. 2ème : consonne S. Le S. 3ème : consonne Z. Le Z. 4ème : consonne C. Le C. 5ème : consonne Z. De nouveau un Z. 6ème : voyelle O. Une voyelle ! Tirage difficile !!! 

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église avec des aires fortifiées

en brique rouge (typique)

arbre centenaire

plantage du soir

 

Mercredi 20 septembre (6 mois depuis le départ)

Ce matin, ce sont les papas qui viennent comme par hasard promener leurs chiens et m'interroger, puis carrément toute une classe de collégiens, par deux fois. Je me suis pourtant levé tôt : obligé, le soleil se couche à 18h30 avec cette fois le même décalage qu'en France, pour une nuit noire à 19h15.

La journée fut bien ensoleillée, encore une fois sans goût ni saveur, sinon à me battre contre un fort vent de face. Pourtant le plantage du soir frôle l'idyllique : table, abri, toilettes et micro plage de 4m50 de large en bord du lac de Wielochowo. J'y inaugure ce soir une méthodologie : écrire sur mon téléphone dans le but de m'envoyer un mél dès que j'ai du wifi (hyper rare en Pologne, même les bibliothèques et les supérettes en sont dépourvues) pour copier-coller le texte directement sur l'application Wix de mon site d'hébergement.

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château d'eau de Sępopol

nid de cigogne et tourterelles

plage du soir

plantage du soir derrière l'arbre

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repas du soir : haricots et 2 saucisses végétariennes

(divisé par 2 : le reste pour demain)

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spécial GreenVelo : table abritée, table, supports verts des vélos chargés, poubelles tris sélectifs, toilettes (bleu/blanc derrière)

Jeudi 21 septembre

Belle journée, mais je cumule de partir trop tard et de passer trop de temps à chercher dans Lidzbark-Warminski un lieu avec wifi pour alimenter ce site : j'avais beaucoup de retard... et j'en ai encore pas mal.

J'ai abandonné la GreenVelo, elle devient anodine et remonte trop vers le Nord-Ouest. Je m'étais dit : poursuivre dans cette direction, retrouver encore la mer Baltique puis visiter Elblag et Gdansk tant qu'il fait beau. Aussi à cause des défectueux vêtements de pluie, je me dis maintenant : tendre vers la direction du retour (1) et visiter au hasard des découvertes tant qu'il fait beau.

Sur un vieux panneau informatif d'une bifurcation, je découvre en commun de mon itinéraire, le signe "tente" qui n'apparaît sur aucune de mes cartes. J'y parviens à 18h15 au coucher apparent du soleil. Il s'agit d'un ensemble table abritée, râteliers vides et abrités pour canoës, ponton en bord de rivière (2) ; malheureusement aussi en rive de petite route goudronnée et le tout infesté de moustiques comme je n'avais plus subi depuis le nord de la Finlande. Par nuit noire à 19h30, en lieu et place de me faire manger sur un banc de table, je choisis de dîner froid (3) allongé (je déteste) sur le matelas dans la tente, et donc de faire l'impasse sur la toilette (j'y parviens très bien) et le brossage de dents (4).

Demain mission difficile : faire 66 km minimum ET trouver un peu onéreux camping avec wifi (5) dans le but d'y passer l'orage annoncé et éventuellement un jour sans vélo pour rattraper mon retard sur le site.

(1) rejoindre la EV9 (EuroVelo 9 Baltique-Adriatique) vers Bydgoszcz, puis la double EV9/EV2 (EuroVelo 2 des capitales Moscou Minsk Varsovie Berlin La Hague Londres Dublin) vers Poznan, puis l'EV2 jusqu'à la frontière polono-allemande à Kostrzyn-na-Odra.

(2) genre "Tempête" à Saint-Maixent, pour les connaisseurs

(3) tomates, sorte de mayonnaise à l'ail ; fromage, "pain" ; banane, graines de courges, canneberges déshydratées, carré de chocolat

(4) 30 dedans et 2 dehors (Pierre Dac)

(5) denrée rare en Pologne, y compris les lieux publics, contrairement aux pays baltes

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un des nombreux parcs

de la jolie ville de Lidsbark-Warmiński

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cathédrale de Dobre-Miasto

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plantage du soir

Vendredi 22 septembre

Bien décidé à réaliser mon objectif, je pars tôt, je m'arrête peu. C'est éprouvant, le vent souffle de face, fort (3 sur mon échelle de 4). Pourtant à Pelnik, je m'arrête au seul commerce du bourg ; malheureusement il ne font pas de café. Je me réhydrate d'eau sur un banc attenant à l'épicerie et je repars. Il fait beau, il fait chaud et j'avance bien avec la chance de routes goudronnées soit avec piste séparée, soit sans grande circulation, ou sur des petits chemins assez roulants, entourés de paysages attrayants. Je viens de terminer ma dernière gourde et fais donc une pause à l'entrée de Miłonłyn pour acheter une bouteille d'eau. Là, c'est la catastrophe : je n'ai plus mon portefeuille qui outre du liquide (environ 500 à 600 zlotys et moins de 10€), contient ma carte bancaire et mes papiers (1). Je rebrousse chemin durant 24 km, par vent arrière donc, très assoiffé, et me souviens que je l'avais sorti pour payer le café indisponible. Ma conviction : j'ai posé le portefeuille sur la table.

Sur place rien, à l'épicerie rien : c'est le patron qui m'informe, ce matin c'était une employée. Le micro commerce est doté de caméras. L'une d'elles est tournée vers la table où je me suis assis. Après des recherches très longues (toujours sans boire) sur son enregistreur numérique visualisé sur un petit écran, on trouve enfin les voleurs, connus. Il fait nuit désormais mais ça ira très vite. D'abord tous les assoiffés du soir s'en mêlent. Je promets de ne pas appeler la police si ma carte et mes papiers sont restitués. Une personne, à vélo, est mandatée pour se rendre au domicile d'un des malfrats : je vois revenir tous mes papiers et ma carte. Il me faut oublier le liquide.

Dans l'attente je demande de l'eau au foyer culturel situé tout près (une pièce seule dans une sorte de maison). Un grand nombre de femmes s'y affairent à préparer une quantité monstrueuse de ces énormes ravioles polonaises : les pierogis. On me fait asseoir, on m'offre une assiette pleine, cette fois farcie de viande de canard et du thé. Seulement deux dames, plus jeunes que moi, parlent anglais. Toutes les autres cumulent, outre le Polonais, le Russe et l'Allemand. Toutes, ainsi qu'une bonne partie de la toute petite commune, mettent une dernière main à la préparation d'une fête, demain. On me parle de musique traditionnelle polonaise. 

Je finirai, ravi, par planter ma tente à la lampe frontale dans le jardin de la mère d'une de ces dames, l'organisatrice du festival. J'ai même pris une douche dans la maison. L'orage annoncé pour 21 heures, s'est mué en pluie classique dans la nuit.

(1) hors passeport et copies des papiers qui sont dans une sacoche

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Samedi 23 septembre

Au matin, on m'offre un petit déjeuner pantagruélique. Mon idée est de jeter un œil à la préparation de cette fête et surtout remercier cette dame et son mari. À moins d'un kilomètre, le terrain des festivités sous de grands arbres se révèle celui de la plage avec pour voisin immédiat un camping ! Je m'y installe pour 35zł après avoir vérifier la disponibilité du wifi et apprécié le salon en libre d'accès. J'y travaille pour ce site jusqu'au début du premier chant, à 16 heures.

J'ai écouté des chants traditionnels locaux, j'ai mangé sans cesse car tout est gratuit pour tout le monde (pierogis bien sûr, charcuteries, gâteaux), j'ai beaucoup discuté avec des hommes qui petit à petit devenaient trop imbibés de vodka. 

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petit déjeuner chez mon hôte

légumes, charcuteries, omelette

la scène

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ouverture du buffet permanent gratuit

(fermeture, je ne sais pas, après 22h)

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une partie des tables

 

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des jeux pour les enfants

(ici lancer de botte de pêche)

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la plage et le lac attenants

(certains se baignent)

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feu pyramidal (je connais), à allumage par le dessus ! Durée : 3 heures minimum !!!

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la finale vers 22 heures

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les remerciements (je suppose) et mes hôtes en noir et blanc, à droite

Dimanche 24 septembre

Journée 100% sur le site.

Pas de photo.

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Lundi 11 septembre

Je visite un peu le beau centre ville de Klaipēda autour du canal, avant le bac (1) pour Smyltynė, à 500 mètres juste en face : le détroit de Memel. Malgré une rotation toutes les 20 minutes, le petit bateau est bondé, je compte une cinquantaine de vélos pour environ 150 personnes. C'est pourtant lundi matin : beaucoup de retraités, de jeunes mamans ou grands-parents avec de très jeunes enfants effectivement d'âges non scolaires. Je prends conscience que cette très grande ville (2) ne possède que très peu, voire pas, de plage : pour la baignade, c'est direction l'isthme légendaire de Courlande.

Je visite un peu, souvent seul, les nombreuses attractions gratuites (musée maritime, reconstitution d'une "ferme de pêcheur" en 1900), fais le tour de l'ancien bastion défensif à double couronne de douves, et du delphinarium (les deux payants et fermés les lundis et mardis) et d'un drôle de bâtiment qui se révèle un refuge vétérinaire d'animaux marins : j'ai discuté avec des tout petits pingouins, des albatros et des phoques en convalescence. J'emprunte ensuite l'EV13, ici encore plus topissime qu'hier : plus large qu'une demi-route, avec des petites bordures, là, de chaque côté (3)... sur 50 kilomètres(4), plus les variantes.

Il fait véritablement très chaud, je suis en sueur et ai envi de plonger ; problème : la dune. Il existe des accès par des marches et rampes mais l'inclinaison (environ 30%) rend ma tentative d'y pousser vaine. Je défais 5 sacoches, les grimpe (46 marches pour environ 9 mètres de dénivelé) en deux allers-retours puis un troisième avec le vélo allégé. En haut je rebâte sur la rampe inverse en vélo retenu et freiné. Et j'atterris sur la plage nudiste. Difficile d'affirmer qu'il y a peu de monde tant les surfaces inimaginables s'imposent sans limites, des deux côtés. L'eau est limpide, propre, le fond uniformément sableux et apparemment toujours peu profond. La température de l'air est pour moi démentielle (donc plus de 25°), celle de l'eau proche de 20. Se baigner est un ravissement, se sécher inutile. Je déplie le matelas, me prélasse (pas longtemps, je ne sais pas faire), déjeune d'un mini concombre, d'une banane et d'un bout de fromage (ça je sais faire) à l'ombre de mon vélo. J'y observe les autres cycles ; beaucoup utilisent la partie semi humide de la plage pour rouler en électrique ou non : fat-bikes, vélos plus ou moins classiques y compris avec des pneus moyennement larges (5). Et si...

Pourtant sans caféine depuis ce matin, je tente ma chance avec la prétention d'aller jusqu'à la frontière russe. Guidé par les traces des autres cyclistes, à environ 7 km/h de moyenne et seulement une dizaine d'embardées, je tiens quand même une bonne heure, surtout motivé par la recherche d'une brèche dans la dune pour sortir de cet enfer. En sueur extrême, devant l'unique baigneuse du lieu, je découvre enfin la possibilité de traverser la dune. Cette dame se préparait un café (LE truc qu'il me fallait à cet instant précis) à l'aide de son gaz portatif, au ras de l'eau, sur une demi-palette de fortune en bois flotté. Outre m'offrir spontanément ce tonique (j'ai juste dit "bonjour" de loin), outre tenter vainement de traduire ses mots lituaniens puis russes en français, outre insister pour que je mange une moitié de chausson aux pommes fait maison, cette dame n'aura cesse malgré mes refus réitérés, de me devancer en courant, portant dans le sable sec en alternance devant moi la moitié de mes sacoches jusqu'en haut de la brèche, puis en bas de l'autre côté, puis jusqu'à la limite de la forêt où le chemin devient praticable. In fine, en rougissant, elle me claque la bise et fait volte-face pour regagner la plage toujours en courant !!!

Je rejoins la splendide EV13 moins éloignée que je ne croyais. À mi-distance de mon objectif, elle devient moins large et moins entretenue : effectivement on ne découvre plus les panneaux d'informations signés entre autres de l'aide européenne. Je parviens à Nida où les deux petits bateaux des possibles traversées de demain annoncent à la craie 12 et 14h30 sur des écriteaux. L'une ou l'autre destination me convient, il s'agit de passer en face, mais moins le prix : 15€ ! 

Mon idée est de photographier la frontière russe à 5 km avant de chercher où dormir. 2 km avant, la route est barrée avec moult avertissements d'interdictions (6). Je rejoins la dune à quelques centaines de mètres par un sentier qui longe des panneaux similaires tous les 10 mètres et jusque sur la plage près de l'eau. Je plante, me baigne, dîne et dodo.

(1) 3€ avec vélo mais je comprendrai plus tard qu'il s'agit d'un aller-retour.

(2) Klaipēda est la 3ème ville du pays (après Vilnius et Kaunas) mais son premier port.

(3) j'ai pensé "pour faire joli" puis "pour maîtriser l'empiètement de l'herbe sur le revêtement". En vérité, il s'agit de préserver la nature et inciter à ne pas la fouler ou y rouler : tout ici est préservé et inscrit au patrimoine de l'UNESCO.

(4) l'isthme de Courlande (en lituanien : Kuršių nerija ; en russe : Куршская коса -Kourchskaïa kossa-) mesure de  400 mètres à 3,8 km de large sur 98 kilomètres de long. La partie nord-est de 52 km appartient à la Lituanie, la partie sud-ouest de 46 km à la Russie, sous l'appellation Oblast de Kalinngrad.

(5) 37mm pour finir, malheureusement en remplacement des 42.

(6) pénétrer, filmer, photographier, utiliser des drones, etc ; en 5 langues et amendes à 3 chiffres.

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de chaque côté du pont central de Klaipēda

trois mâts d'un côté, drapeau national de l'autre

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pingouin

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pénard, à l'ombre

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phoques se dorant la pilule

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pente

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2H plus tard, nous nous sommes croisés à poil sur la plage : c'était moi le plus gêné.

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huppée Nida (genre beauté de St-Gilles,

promenade de Pornic et cherté de La Baule)

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coucher de soleil

à 2 km de l'enclave russe

 

Mardi 12 septembre

Par peur de louper la seule traversée de la journée, je me lève plus tôt. Ça ne change rien puisque le double-toit est trempé de condensation et de rosée des deux côtés. Pour attendre j'ajoute donc une baignade aux préparatifs.

Je reviens à Nida par un autre itinéraire en passant par hasard derrière le seul camping. À chaque rencontre, je salue toujours d'un "bonjour" à l'effet souvent sensationnel. Là, ce matin, d'une très jolie jeune femme, j'ai eu en retour : Shalom" !

Aux bateaux, mes interlocuteurs m'informent : l'un prédit qu'il n'existera pas de départ aujourd'hui, l'autre note mes coordonnées pour me joindre au cas où d'autres candidats se présentent. Les deux déclament par contre la même information bien rôdée : 15€ par personne plus 15 autres pour chaque vélo ! Pour finir, il n'y aura aucun départ ce jour, peut-être même pas demain : la saison (des arnaques ?) se termine.

Je prends un bus (11€, bagages et vélo inclus) pour retourner à mon point de départ hier matin, retraverse le détroit (gratuitement dans ce sens) et pédale allègrement toute la journée sur le continent pour arriver le soir à quelques encablures du port (Ventilė) de destination du bateau de ce matin.

Encore une belle chance alliée à une recherche fouillée de la carte ; je monte la tente sur un immense espace communal au bord d'une micro plage encadrée de roseaux, loin du bourg. L'herbe y est fraichement tondue autour d'une tour d'observation ornithologique, table, abri, toilettes... gratuit et pour moi seul. Je m'apprête à dîner, malheureusement sans fromage. Pourtant trois personnes viennent dîner sur un banc. Sans prévenir, une des dames du groupe vient à ma rencontre (l'effet "Bonjour" en français ?), je suis à plus de 10 mètres, et me tend une tartine de confiture maison... Ce n'est pas du pain, mais du fromage ! On m'explique que c'est traditionnel en Lituanie, chacun fabrique son caillé qui ici est pressé à l'excès dans une forme ovoïde (1). Confectionné chaque jour, la tranche devient une base de nourriture. Le goût est assez neutre mais délicieux. J'ai eu droit à trois tranches, une infusion de menthe du jardin et un petit gâteau.

Quelles étaient les chances pour que statistiquement, totalement seul, des personnes apparaissent hier et aujourd'hui pour m'offrir spontanément les denrées alimentaires que je souhaitais le plus ?

(1) le lait est caillé puis tranché en granules pour faciliter son égouttage. Ce sont les stades préalables (caillage, égrenage, égouttage) au moulage, salage, maturation. La forme est similaire à celle du beurre de ferme, autrefois.

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pliage du matin

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enfin un pas peureux

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banlieue de Klaipēda : église orthodoxe

au centre d'un alignement impressionnant de très propres cages à lapins

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résidences de très haut de gamme

à des dizaines de kilomètres de tout

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en Lituanie on a des idées

et (un tout petit peu) de pétrole

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premier plan Lituanie

deuxième plan Russie

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distributeur...

d'appâts de pêche

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coucher de soleil

avant plantage immédiat

 

Mercredi 13 septembre

Journée sans saveur particulière, à pédaler. Annoncé : le temps se modifie, gros orage nocturne à venir. Problème : dans une zone non touristique, sans camping, je ne trouve rien d'autre que des parkings sales dotés de tables, certes en bords de forêts mais aussi de routes. Le ciel s'assombrit, la nuit va tomber. À un carrefour, j'opte pour une petite route qui mène, vue sur la carte OpenRunner, à une énième table : au moins, me dis-je, je ne serai pas abasourdi du bruit des voitures. Et là, au détour d'un virage alors que les rares voitures ont déjà les phares allumés, se présente un panneau camping-restaurant à 200 mètres de plus que ma table recherchée. GoogleMap parle de location et de restaurant, LocusMap de B&B. Sans trop y croire, perdu et solitaire entre forêt et champs, je découvre un ensemble de bâtiments de ferme, d'inspiration bavaroise (sic) converti à la restauration et l'accueil de festivités, genre mariage, autour d'un bassin, dans une immense clairière de pelouse encerclée de denses hauts sapins verts foncés.

Camping ? Oui bien sûr ! Prix ? 7€ !! J'ai des nouilles qui sortent de l'arrière du cuissard : voilà comment on finit de planter juste avant les premières gouttes, en bénéficiant du wifi super rapide jusque dans la tente ! L'orage a été d'une violence inouïe (1 ce dont je me contre fiche, mieux l'éclairage est gratuit) mais a lavé le ciel en une seule fois, contrairement aux quatre orages en cinq jours en Lettonie.

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plantage au matin

début des églises en briques rouges

(sud Lituanie, nord Pologne)

nombreuses, elles sont souvent restaurées à l'extérieur

l'intérieur souvent à-vau-l'eau

ici un entreposage d'une association type Resto du cœur

près d'un centre de désintoxication

le tout perdu en campagne

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Jeudi 14 septembre

Belle journée à flirter sans cesse avec la frontière russe : sauf pour moi, un non événement ici. A contrario, il n'existe au nord de l'enclave, sur 100 km à vol d'oiseau, le double en déroulé, qu'un seul pont routier (1). D'une rive des champs, des arbres, des buissons, des roseaux, des marais, quelques micro plages, de l'autre le même décor.

Au Nord de l'enclave je remonte le fleuve, à l'Est dans Jurbarkas je fais subitement un refus de grand route. Je quitte l'itinéraire cyclable LT2 (Lituanie Tour n°2) pour la LT4 et descendre le cours d'eau sur la rive opposée jusqu'à Sudargas. En dehors de ce bourg, le long de la rive, siège un immense parc sans clôture, particulièrement vallonné, qui fut pour partie un cimetière juif jusqu'au début de la première guerre mondiale, les bases de 5 châteaux forts en bois entre les ans 900 et 1100, et probablement entre moins 2000 et 700 (2) des buttes sépulcrales (ensuite rehaussées) de chefs de tribus. Je plante près d'une table abritée (3).

(1) à Panemunē, sa ville jumelle Cobetck côté russe, pour traverser le fleuve Skyrvitē, Cebphar en Russe, qui devient plus haut Nemynas, Hemyhac en Russe)

(2) comme la centaine de buttes de la ligne de partage des eaux au Danemark et l'extrême Nord-Ouest de l'Allemagne.

(3) aux choix sur plusieurs dizaines d'hectares, un peu éloigné des toilettes (2 lieux possibles), loin des 2 opposés parkings vides.

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au loin, le camping au matin

ballons de foot ?

non, vesse de loup (gauche diamètre 35cm, droite 40) et il y en a partout

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3 sculptures du parc de Smalininkai

frontière au milieu du petit fleuve Nemunas

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chat minou

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cathédrale de Jurbarkas

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le (fleuve Nemunas devient bi côté lituanien

à Kurkarkė

j'aurai pu planter là

ou là

ce fut ici

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parc de Sudargas (4 photos)

 

Vendredi 15 septembre

À l'Est de l'enclave, la LT4 s'affirme très, trop, majoritairement en gravillons et de plus en plus sableuse, parfois en couche épaisse et meuble qui contrecarre une progression linéaire pour une vitesse moyenne inférieure à 11 km/h, de plus au prix de gros efforts musculaires continus. Il fait beau, certes, mais la campagne s'impose de moins en moins forestière, de plus en plus tournée vers d'immenses champs sans haie, où actuellement on traite et pulvérise avec des engins agricoles à faire pâlir de jalousie un Beauceron. Tout ceci commence à me lasser. À Kudirkos-Naumiestis, je quitte la LT4 pour couper au plus près de l'enclave, non sans avoir vérifié que le parcours reste asphalté. Je parviens à Kybartai, unique ville de transit ferroviaire entre l'enclave et la Biélorussie, autant dire le seul entre Kaliningrad et Moscou. La ville me paraît à bout de souffle, triste, décharnée. Je n'y découvre aucun accueil, je ne vois rien qui soit mis en œuvre pour le tourisme national ou le mieux vivre. Je fonce sur la grand route (la piste cyclable est défoncée) pour atteindre le bourg suivant, Virbalis. Je cherche et trouve une plage en bord d'étang. C'est bien aménagé (nombreuses tables, barbecues, jeux pour enfants, herbes tondues) mais insuffisant (pas de toilettes) et sale de détritus (les poubelles débordent). On ne peut pas gagner tous les soirs, d'autant que c'est vendredi : là et aujourd'hui un lieu de retrouvailles des jeunes motorisés, bruyants et alcoolisés. C'est sans danger mais je me suis endormi tard.

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ruches de forme classique ici

beaucoup fond leurs miels eux-mêmes

frontière lituano-russe

au milieu de l'eau

graines et sel pour animaux sauvages

caméra IR à 10 m, tour d'observation à 100

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remorque à ruches (pas rare)

jusqu'à 32 ruches

la frontière totalement fermée

à Kudircos-Naumiestis

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plus on descend vers le sud, vers la Pologne catholique, plus les églises, Kudircos-Naumiestis, deviennent exubérantes en rupture avec l'influence protestante nordique

l'ancien cinéma de Kybartai

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Samedi 16 septembre

Le matin se présente inversement riant, ombragé du petit bois (sale) sous un fort soleil. Prêt à partir, je vérifie mon vélo, inspecte les flancs du pneu arrière : je ne comprends pas pourquoi il n'a pas éclaté après lui avoir fait souffrir des répétés outrages de fou, et pourquoi tout simplement, je n'ai jamais crevé. Pour la première fois je vérifie intégralement la bande de roulement : sur 20 cm la carcasse d'alerte de couleur bleue est à nu !!! Je jure sur la tête de mes enfants de ne plus jamais rouler du reste de ma vie sur autre chose que des Schwalbe Marathon Mondial. Je ne comprends pas pourquoi ce pneu est aussi solide. J'entreprends donc tranquillement de démonter les 2 roues (1), ôter les 2 pneus, remonter le pneu avant à l'arrière et monter celui de secours très bas de gamme à l'avant. J'en ai profité, c'est plus long, pour tout nettoyer à fond, dont le pignon et le plateau (puis les graisser) et la chaîne (puis la huiler). Le résultat est sans appel : tout est plus fluide, sans aucune gêne. Même la jante DT Swiss 545d n'a pas bronché : inutile de sortir la clé à rayon, d'autant que je ne suis pas certain de la méthodologie de dévoilage. Le pneu avant est par contre inconfortable et bruyant ; j'espère cependant qu'il tiendra jusqu'en Allemagne.

Ma mauvaise opinion de la campagne du Sud-Ouest de la Lituanie se vérifie. Je crois terminer ainsi ce pays, quand de nombreuses côtes changent ma perception : entre les pointes Sud-Est de l'enclave et Ouest de la Biélorussie, la frontière lituano-polonaise se marque par la ligne de partage des eaux. Ça grimpe, c'est vallonné, les arbres et les petites fermes sont de retour, et apparaissent de nombreux lacs.

Par un chemin à peine carrossable, dans une forêt particulièrement sombre et froide de fin de journée, j'atterris à mon objectif : le tripoint, une frontière où trois pays se rencontrent. À une centaine de mètres, je trouve en longeant la frontière lituanienne, en bas d'un champ polonais, un lieu de plantage amusant : j'aligne, à l'orée de la forêt, ma tente de chaque côté de la frontière, marquée par des limites de propriétés.

J'aurai pu y passer une bonne nuit si je n'avais perçu des bruits bizarres, ni humains, ni des oiseaux. J'aurai pu passer une bonne nuit si ce messieur, loin de l'autre côté du petit lac situé en très fort contrebas, n'avait, durant plus d'une heure, arpenté à la lampe électronique à priori sa propriété, n'avait tiré un coup de fusil (!), n'avait jeté bruyamment à l'eau une grosse pierre. J'aurai pu passer une bonne nuit si j'avais correctement réfléchi, si et seulement si, c'est coutumier à chaque premier endormissement dans un nouveau pays, je ne me prenais pas pour le souffre-douleur malchanceux, local et du moment. Il me faudra 24 heures pour comprendre : j'aurai ma leçon de nombrilisme calimérien demain soir.

(1) bien plus simple que je ne croyais malgré le Rohloff et les 2 disques.

plantage au matin

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le banc ajouré permet parfaitement de passer la tringle aux drapeaux

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vache au pré sans enclos, avec licol  et vis au sol (très fréquent)

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toutes les communes exposent un panneau d'affichage, souvent en création propre

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prêt à charger

les roues en réparation

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les tombes sont énormément décorées de lanternes et bougies. Ici la tombe de Biroutė

 

les lanternes et bougies pour cimetière

ici une épicerie de 20 m2

(rayon deux fois plus grand que celui des fruits et légumes)

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8 867 km

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kit de motorisation

d'un vélo classique (pas rare) 

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arrêts de bus d'héritage russe (avant 1991)

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la dernière maison de bois peinte en rouge

(plus vu depuis plusieurs jours)

yaourt à la groseille à maquereau

(un de mes trois fruits préférés)=

tripoint

Lituanie Pologne Russie

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coucher de soleil sur tour de chasse en Pologne (prise en Lituanie)

la moitié en Lituanie, l'autre en Pologne

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Dimanche 17 septembre

Bis repetita, encore une journée, de plus en plus froide par ailleurs, qui débute par un ensoleillement sans pareil. Je boucle sans tarder, toujours persuadé que mon "voisin" peut encore me, moi je, persécuter. Je petit-déjeune assis au soleil du parking aménagé près du tripoint. Il est 10 heures, le soleil brille, les oiseaux chantent, les mouches pètent et je débute l'itinéraire prometteur polonais : la GreenVelo, en Polonais dans le texte, ou GV. Son parcours complet part de la capitale, Varsovie, rejoint pour milieu le tripoint, pour finir actuellement, en longeant le Sud de l'enclave, à Elblag en bordure de Baltique, 50 km à l'Est de Gdynia (Gdansk), premier port du pays (1).

La GV paraît très bien balisée, alterne pistes séparées le long des grands axes, parcours en chemins gravillonnés et petites routes asphaltées. En outre, elle fait réellement la part belle à nombre de curiosités et attraits touristiques, elle met en valeur la faune et la flore par un impressionnant nombre de panneaux informatifs en quatre langues (polonais, russe, allemand et anglais). Pour finir, elle propose souvent des "MOR" : des points de repos avec table abritée. C'est à l'un d'entre eux que je plante, précisément sous le toit qui recouvre deux tables. Peu avant la nuit noire (2)je parle avec un promeneur. Il me rassure sur la qualité du lieu sans danger, d'autant que j'ai eu raison d'accoler ma tente sous le toit et contre les murs. Pourquoi ??? À cause des loups !!! Dans la discussion qui suit, je suis amené à expliquer où j'ai dormi hier soir : à couvert près du tripoint. Il m'explique alors que cette forêt est réputée pour ses nombreux loups.

À rebours, je comprends que mon "voisin" d'hier, qu'il ait eu connaissance de ma présence ou non, fut surtout bruyant pour éloigner (et me protéger ?) un ou des loups ; eux probablement à l'origine des bruits inconnus près de ma tente.

(1) et dans le trio des leaders mondiaux de construction navale non militaire avec St-Nazaire et un port en Corée du Sud.

(2) que je subis de plus en plus tôt et aussi une heure de moins ici par rapport à la Lituanie.

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petit déjeuner au parking polonais du tripoint

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tour d'observation sur le GV

et une des vues

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Lundi 4 septembre

Je décide de m'affranchir le plus possible de la grande route goudronnée Kolka > Ventspils en empruntant volontairement la parallèle cyclable locale 558, genre cross, côté rivage. C'est paisible, bucolique au cœur de la forêt et permet de traverser les charmants villages de Mazirbe et Sikrags. Sans autre choix, je reprends ensuite la grand route... où il n'y a presque personne : le travail et l'école ont repris le 1er. Même les cueilleurs de champignons sont peu nombreux. À la faveur d'un arrêt je découvre des girolles et n'aurai cesse d'en ramasser en les repérant tout en roulant. À ce jeu, j'ai bien engrangé 2 kilos en moins de 30 minutes au total. C'est beaucoup trop, j'en offre plus de la moitié à un jeune couple polonais près d'un lac où je plante. Juste avant la nuit noire à 21h15, je cuisine le reste : revenir à l'huile d'olive, oeufs (4 !) façon brouillés, sel, ail en poudre. Burb !

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cimetière de bateaux russes

dans la forêt

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le mémorial en ruine à Youri Gagarine  à Irbene où il a travaillé

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itinéraire cyclable parfois restreint

et peu entretenu

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le radiotélescope d'Irbene

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une des quatre barres d'immeubles du centre de radiotélescope d'Irbene

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ma vue au plantage du soir

 

Mardi 5 septembre

La journée s'annonce plutôt ensoleillée mais fortement venteuse, à contre. Je trouve à Ventspils du wifi qui me permet de vérifier une information majeure : oui je suis bien invité chez David (1), en WarmShower (2) !!! En chemin, je cherche et trouve des girolles, façon de ne pas arriver les mains vides. Il m'accueille en bas de sa barre d'immeuble de construction soviétique (3). J'ai reconnu son amie vue en photo sur son blog, Zané, devenue son épouse. L'enfant est née, c'est une fille, Emma, qui a donc 5 ans. J'ai la surprise de découvrir un petit frère d'un an, Léo. Nous discutons longuement après un excellent repas beaucoup trop copieux où les légumes proviennent du potager de leur jardin. Je dors à merveille sur le canapé, dans le salon réservé pour moi, pourtant dans un appartement de deux chambres à quatre, cinq avec moi.

(1) cliquer en haut à gauche sur " Accueil ", puis sur " sites & liens ", puis sur " autres voyageurs ", lire " cyclonomas", ouvrir sa "carte ". Après, on peut lire ses deux sites, de 5 ans de voyage en Europe !!!

(2) cliquer en haut à gauche sur " Accueil ", puis sur " projet ", puis dans le pavé " Autonomie " sur " WarmShowers ".

(3) En 91, chaque résident est devenu du jour au lendemain, propriétaire. Lui a acheté aux enchères. Il n'y a pas de HLM dans les pays de l'Union Européenne issus de l'ex bloc soviétique. Ce sont des appartements.

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passage à niveau, typique, pas de barrière : toutes les voitures s'arrêtent au stop !!!

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pause déjeuner en bord du fleuve Venta

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diverses recommandations et obligations, rajout danger feu et tiques !

 

Mercredi 6 septembre

David a eu la gentillesse de prendre sa journée qu'il me consacre entièrement. Zané, kinésithérapeute à l'hôpital de la ville, est toujours en congés maternité (1 an ici, avec la possibilité de prolonger à 2). Ils, Léo aussi dans sa poussette, me font découvrir la ville et ses splendeurs : les édifices religieux (2 catholiques, 1 protestant, 1 orthodoxe, 1 synagogue transformée en bibliothèque), les quartiers et architectures aux multiples influences (suédoises, prussiennes, juives, russes, ...) un magnifique musée gratuit, et surtout les plus larges chutes naturelles d'eau d'Europe. Leurs explications et commentaires sont précieux. Par peut-être la journée la plus chaude du voyage, nous déjeunons à leur jardin situé à un kilomètre de la maison, comme du centre ville. C'est une merveille sur 1 hectare et demi où David fabrique tout de A à Z : la clôture, les toilettes sèches, les cabanes. Le potager en pleine terre et serre nourrit la famille, comme presque partout d'ailleurs dans ce pays.

Je garde un merveilleux souvenir de mon passage chez eux où je cumule mes deux premiers jours en tant qu'accueilli et la rencontre avec une de mes (sortes d') idoles. Encore une fois je regrette mon niveau déplorable d'anglais qui ne m'a pas permis de beaucoup discuter avec Zané.

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quelques vues de Kuldīga

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maison en rénovation

ossature bois, terre et paille

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au cœur de la ville

ruisseau qui alimente la Venise de Lettonie

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le musée

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David

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autrefois la règle

toiture en bardeaux de bois

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le pont ancien, en briques rouges l'un des plus grands d'Europe

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les fameuses chutes

 

Jeudi 7 septembre

Je pars en même temps que David qui amène, évidemment à vélo, sa fille à la garderie avant de rejoindre son travail dans une menuiserie industrielle. Je suis ses conseils en empruntant d'abord l'EV10 puis les chemins de graviers jusqu'à la mer et le phare (bāka) d'Akmeņsraga. Je plante dans le domaine public au creux des dunes. J'y suis seul à plusieurs kilomètres de tous côtés. J'ai noté cependant un pêcheur au lancer à environ 500 mètres, et les passages sur le sable mouillé de chercheurs retraités d'ambre et d'une skite-surfeuse qui rentre au pas de course (premier hameau 3 km).

Le soleil s'est couché à 20h17. Il n'a jamais fait réellement nuit noire grâce à la réverbération du ciel, constellé d'étoiles et vide de nuages, dans la mer d'huile et sur le sable clair.

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les plages près de Jūrkalne

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plantage du soir près de Akmeņraga bāka

 

Vendredi 8 septembre

Le froid devient piquant le matin. Tant qu'il ne pleut pas, ça n'a pour moi aucune importance. Par contre j'ai commis une erreur de plantage hier soir : je n'ai pas cherché le prime ensoleillement du matin. Froid nocturne (surtout donc durant le point de rosée au lever du jour) et chaleur (générée par moi) dans la tente intérieure, engendrent une condensation importante sur le tissu intérieur du double-toit. Difficile de s'en défaire sans vent et à l'ombre. Je partirai sec mais pas avant 11 heures.

Sauf quelques rares décamètres, la journée se déroule sur des chemins sableux, et/ou gravillonnés, au mieux en terre compactée, au pire sur cette déformation du sol, dite "tôle ondulée" qui devient un enfer pour les jantes et le cycliste, surtout au vélo trop chargé, de surcroit avec des pneus insuffisamment larges.

J'effectue trois pauses dans des bibliothèques de campagne pour mettre à jour le site, et multiplie les visites : là un arbre remarquable, ici un mémorial d'une boucherie d'extermination par les nazis, un phare, des implantations surnuméraires d'immenses blockhaus soviétiques.

Je plante après seulement 39 km à une moyenne déplorable de 10 km/h. Le soleil s'est couché plus tôt, vers 20h10. Une heure plus tard il fait nuit noire sous un ciel uniformément couvert.

Outre le vent (donnée la plus importante), outre la condensation ou la pluie (donnée de confort le soir, essentielle au matin), je dois désormais compter avec la nuit qui arrivera de plus en plus tôt pour m'obliger à dénicher le bon lieu de plantage et son déroulement dans les règles de sécurité et de satisfaction.

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auto-portrait du matin

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une toute petite partie d'un des immenses sites de défenses russes anti allemands

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exemple typique de

route secondaire majeure

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mon chemin goudronné, ancien site sous Brejnev pour la plage de la nomenklatura

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entrée du mémorial de l'Holocauste

à Liepājas, ici 2640 juifs dont 1048 enfants

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dîner du soir : des pâtes

(des pâtes, des pâtes, oui mais des pâtes)

 

Samedi 9 septembre

Journée vraiment intéressante... si on aime la difficulté !

À Liepāja je perds énormément de temps en visites de quatre réparateurs vélo : ma jante arrière semble se déformer. En vérité et heureusement, ce sont les flancs du pneu qui vont mal, conjugué avec une usure certaine : 8500 km pour une durée de vie normale entre 5 et 10 mille. Le réparateur ne sait pas quand il va lâcher : "peut-être 1 kilomètre, peut-être jusqu'en Allemagne". Une manière de dire qu'il est impossible d'acheter du Schwalbe marathon mondial evolution d'ici 1200 kilomètres. J'achète à très petit prix un pneu de remplacement : dès éclatement je transfère le pneu avant Schwalbe (qui va bien, merci) à l'arrière et le nouveau bas de gamme à l'avant.

Par un beau soleil, pourtant vent debout mais faible, je bats des records de vitesse sur sol lisse. Puis j'opte pour la cyclable 568 qui contourne un vaste marais classé jusqu'à la mer : un enfer en vélo poussé durant deux heures, des orties sans cesse plus haut qu'aux genoux, des moustiques qui collent à ma sueur abondante, puis de la boue. Mais j'ai réussi à rejoindre le littoral. Je me baigne au coucher du soleil, nu dans du rose violet avec une vue en kilomètres de chaque côté sur des déserts presque inaccessibles.

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plantage au matin

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banlieue nord de Liepāja

(des appartements,  pas des locations)

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400 m plus loin, un lieu multi culturel autogéré

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extrait d'expo

de l'artiste " Nô "

visible sur

" @no.street.art "

autoportrait

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autoportrait

pont tournant à Liepāja

(toutes données originales

sans modification)

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plantage du soir...

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... devant ceci

 

Dimanche 10 septembre

Je poursuis le chemin jusqu'à la route principale qui me fait franchir la frontière lettano-lituanienne. Ensuite c'est presque la journée entière sur l'EV10 jusqu'à Klaipēda : une, sinon la, des plus belles pistes cyclables qu'il m'ait été donné d'emprunter. Une splendeur goudronnée ou pavée lisse, entretenue, double largeur, presque toujours franchement séparée en kilomètres de la route, en mètres de la piste piétonne, toilettes tous les 2 kilomètres, le plus souvent au cœur de la forêt et près de la mer, agrémentée de diverses attractions (exemple : tour d'observation ornithologique), parfois traversant les mails et esplanades de plusieurs bourgs.

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plantage au matin

quelques exemples sur l'EV10

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(1) + 56 km en bus !

Lundi 28 août

J'écris dans la cabane devant une flambée, assis entre deux gouttières sur un des quatre bancs périphériques. J'ai bien fait de ne pas y dormir et de préférer ma tente chérie. Il a commencé à beaucoup pleuvoir après minuit, ça ne s'est pas arrêté. Il est bientôt midi, il pleut encore avec un vent fort, continuel, en bourrasques ; la tente, par pure chance, montée du bon côté sous le vent. Si cette tempête se prolonge, j'envisage de stationner ici une nuit supplémentaire. Sans signal, je ne peux pas interroger les prévisionnistes en ligne. Pourtant tout est prês à démarrer, juste la tente à plier.

13 heures. J'ai bien cru passer deux heures à refixer le drapeau Estonien, ajouter celui de la Lettonie, et changer les palpeurs, câble et support de compteur. Mais non, une a suffit. Il pleut toujours.

13h30. J'ai fendu trois bûches en 21 morceaux, je deviens plus performant, au cas de nécessité à demeurer ici. La pluie cesse enfin. Dans le mauvais sens (à contre et des toilettes vers la cabane...) le vent redouble mais débute l'assèchement de la tente.

14h45. Le vent me semble plus puissant encore mais sans pluie. La tente a séché. Au puits j'ai remplacé le seau percé par celui qui est destiné à éteindre un feu. Ce ne fut pas sans difficulté : enlever les deux poignées n'a pas suffi ; il a fallu, à l'aide du fendeur de bûches, écarter l'œil d'une anse pour y glisser la chaîne. J'ai rempli deux gourdes par filtration puis stérilisé à la lampe UV.

À 16 heures, parce que je suis raide prêt, je pars. Je reviendrai si nécessaire. Le ciel demeure particulièrement menaçant mais ne craque pas. La forêt est dense, partout. Le vent s'engouffre dans les coupes franches le long du chemin. Parfois il me protège, parfois il me pousse. Je choisis sur carte deux sentiers, de part et d'autre de la frontière pour la franchir, avec environ 50 mètres sans trace entre les deux traits pointillés. C'est risqué, cela m'imposera peut-être demi-tour. Bon pari cette fois, le chemin ne devient pas sentier et se prolonge sans problème.

Un peu avant la bourgade de Staicele, je découvre en bord de route un paradis pour campeurs. Il s'agit d'une aire de pique-nique en bord de rivière, avec sable ajouté pour faire plage, des tables, toilettes, réserve de bois, jeux pour enfants, herbe tondue, poubelle, etc. N'ayant pas atteint mon nombre de kilomètres journaliers (sic), je commets deux erreurs : aller voir plus loin si l'herbe est plus verte, et mal lire la carte d'information du panneau du parking, où, habitué aux pays plus riches, je crois mémoriser un grand nombre d'endroits similaires. Je quitte la grand route pour une route secondaire de cailloux et sable mêlés. Ce doit être exceptionnel, me dis-je. Je vise le village de Vīki avec ses attraits similaires vus sur l'information précédente, pour planter la tente. Je fouille, je cherche, je perds du temps et comprends un peu tard que la signalétique indiquait des lieux de pêche ! Qu'à cela ne tienne, restons ici. Je fouille, je cherche, je m'entête autour de ce super village très attrayant, très abandonné, très désuet en fond de route en impasse, pour finir sur un panneau en anglais qui indique que ce lieu est une prison ouverte !

Tous ces grands garçons se réhabiliteront sans moi. La nuit va tomber, le prochain village, Aloja, 13 km, toujours sur ce revêtement tantôt chaotique (marques des roues de tracteur : un enfer à vélo), tantôt ensablé peu compatible avec mes pneus de largeur 27 mm (j'avais du 32, je les ai changés en 27 : erreur !). Je parviens de nuit à ce village où je plante seul et volontairement visible au milieu du seul parc.

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le fendeur et son martyre

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le vent vient de là-bas

 

Mardi 29 août

La nuit fut compliquée et écourtée. Vers 2 heures du matin, je suis réveillé par le téléphone d'une bande d'ados en observation. Je peine à me rendormir, angoissé par ces visiteurs qui étaient peut-être dangereux (c'est après réflexion ce qu'eux ont pensé de moi). À 4 heures, c'est un ivrogne, gros fumeur, qui a longuement, très bruyamment en force exacerbée, craché ses poumons. À 6, il me semble que je me suis rendormi. À 6h30, très précisément, quelqu'un œuvre, proche, avec une insupportable souffleuse thermique ! Ma réaction, nombriliste, est de croire qu'il s'agit d'une mise en œuvre pour me déloger. Mon opinion est faite, trop c'est trop, ce pays n'est pas accueillant, voire réfractaire aux étrangers. Il n'a pas plu mais tout est trempé de rosée. Méthodiquement je déplace ostensiblement mes matériels sur un banc en bout de parc, devant ce qui semble être un bâtiment officiel, doublé d'une bibliothèque, triplé d'une sorte de salon de thé. Partout, surtout des femmes, un nombre impressionnant de personnes de mon âge et nombre également qui devraient être en retraite ; une armée s'affaire à balayer toutes les surfaces publiques : allées, parkings, esplanades, même la route !!! Et il n'est pas encore 7 heures... Mon jugement est faux. Une balayeuse (je comprends plus tard : la seule qui parle anglais) vient à ma rencontre, m'interroge sur mon voyage, m'explique que son collègue à commencé à nettoyer par le côté opposé du parc pour ne pas trop me déranger. On s'enquière de savoir si j'ai bien dormi, si je n'ai pas pris froid. On me demande de prendre tout mon temps, que l'espace autour du banc sera nettoyé plus tard (c'est pourtant propre. Sur plusieurs mètres carrés, je totalise trois feuilles d'arbre et un mégot). On s'excuse, on m'affirme que pourtant tous les lieux publics sont ratissés et nettoyés tous les jours. Le micro salon (trois guéridons pour thé, café et gâteaux) n'ouvre qu'à dix heures. À 7.45, Nina, la patronne (d'elle-même, seule), cheveux blancs, zéro mot d'anglais, m'offre par signes le café, de m'asseoir en prenant mon temps, et de surtout ne rien payer. À 8, le correspondant du journal local vient m'interviewer et photographier. Il m'offre un petit pain pré tranché d'orge et chanvre. Je pars vers 9 heures, la larme à l'œil et le cœur gros, déconfit de honte par ma précédente analyse. Oui, ici, on ne dit pas bonjour (y compris entre eux), on sourit peu au premier abord, mais ce n'est ni du dédain, ni de la fierté déplacée, ni du racisme, ni de l'impolitesse. Si l'étranger fait un petit effort d'ouverture, le retour est exceptionnel de gentillesse, d'amitié, de sincérité, de simplicité.

Puis je pédale (bizarre, partout encore des routes sans goudron) et réfléchis encore à l'envers pour conclure que cette aventure était exceptionnelle. En peu de temps, devant une école, une femme vient spontanément m'interroger, me photographier. Il s'agit de la bibliothécaire qui m'explique le fonctionnement de son travail, me montre un roman de "Delfīne de Vigāna" (ph changé en f, premier i et premier a avec une barre supérieure, et a final ajouté) ! 

À la sortie, deux femmes avec une volée d'enfants d'âge maternelle, me prient de leurs nommer les drapeaux attachés à mon vélo.

Après une visite rapide de Valmeira, dont l'église orthodoxe au toit de cuivre (si, si, non pas zinc), le soir, je plante au sec mais sous ciel menaçant, à l'intérieur d'un abri du parc national forestier de Gauja.

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pont piétons et cyclistes à la sortie de Valmiera sur la Gauja

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la plage sur la Gauja en bord du camp de Grīviņu

 

Mercredi 30 août

J'ai dormi comme un ange douze heures malgré un orage durable, sonore, foudroyant proche et diluvien au possible. Il est vrai que je n'avais pas totalisé quatre heures de sommeil la nuit précédente. Je pars effectivement à midi en commençant par les deux kilomètres de sentier à 7% descendus allègrement la veille. Je ne rattraperai pas mon retard. Ce fut une belle journée ensoleillée, chaude (29°), noyée dans une saturation extrême d'humidité. Après une visite éclair de la très belle Cēsis, je longe par des chemins à peine carrossables, plus pédestres que cyclables, encore la rivière Gauja (prononcer Gaouia). Je plante, bis repetita, c'est heureux, sous un abri dans un lieu idyllique (1) et beau à couper le souffle. Deuxième soir de suite, le ciel tonne dans cette vallée très encaissée, suivent les éclairs. Il fait nuit noire dès 21 heures désormais (2). 22h45, depuis deux heures la pluie diluvienne, les nombreux éclairs puissants et le tonnerre exacerbé par l'écho de la vallée me ravissent... bien abrité dans ma tente de compèt' sous un solide toit de rondins. Pleus donc le ciel, vide toi tant qu'il te faut, laisse place sèche à l'astre solaire.

(1) selon mes critères : en pleine nature, seul, loin de tout y compris d'un parking, inaccessible directement par un engin polluant sonore et olfactif à moteur, si possible, un abri et/ou un foyer et/ou une table, des toilettes sèches, une poubelle)

(2) je me trouve trois fois plus à l'Est qu'une distance Brest Strasbourg.

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avant pliage

le matin d'après orage

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non pas des mouettes, mais des cigognes

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le triangle montagneux du parc national de Gauja : Valmiera - Rauna - Krustiņi

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place (enfin une place) à Cēsis

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pin rouge

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itinéraire cyclable R1 ou 104...

oui, en vélo poussé

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plantage sur le site de Ķuķu kintis

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il faut voir ce sable ferrugineux, donc l'eau aussi, pour croire à ce coucher de soleil sans truquage

(j'ai éclairci un peu, il faisait plus nuit)

 

Jeudi 31 août

La troisième tempête en trois nuits à cessé vers 2 heures ce matin. 9 heures, le ciel est bas, triste, uniforme. Je discute avec un Autrichien, sosie de Chabal (3) descendu boire son café au bord de l'eau en laissant (youpi !) son véhicule au parking, là-haut. La pluie, fine maintenant, reprend. Je prends mon temps pour tout plier et vais probablement donc encore perdre une demi-journée à ne pas pédaler, et encore rogner sur les visites. Ce jeu commence à me lasser.

10h30. Non seulement la pluie ne cesse pas mais elle devient drue. J'ai pourtant allongé le temps, jusqu'à nettoyer aux lingettes la face interne du tapis de sol : la tente sent moins l'animal, si ce n'est bébé désormais. 

11 heures. Je mute en version anti humidité : protections de sacoche avant et de selle, vêtements de pluie avec veste et pantalon additifs.

12h15. Je n'ai pas fait 10 km parce que j'ai aidé un camionneur et un automobiliste à dégager la route d'un arbre déraciné durant la tempête. Je me trouve à Lībatne, petit bourg magnifique, touristique, barré de plusieurs rivières et truffé de grottes, qu'il serait particulièrement tentant et agréable de visiter. S'il ne pleuvait. Je me venge, abrité, avec un grand café à 1€ (!) et une part de gâteau maison à 95 centimes (!!).

L'après-midi, enfin peu pluvieux, a été dévolu à la visite des différents sites historiques de Sigulda et à pédaler en terrain plat jusqu'à la mer. Je me renseigne à un camping : 5€ la nuit (!!!). Je craque pour un chalet à 20€ wifi inclus, d'où j'écris ces lignes. Que dire de plus ? Tonnerre, éclairs, pluie de dingue : 4ème de la semaine, 5ème en 8 jours...

(3) le joueur au ballon de forme logique, parfaite, à l'origine de tout : ovale.

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route secondaire majeure

typique et fréquente en campagne

même route après la tempête

deux châteaux à Sigulda

 

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pont sur la Gauja, ici très encaissée

à Sigulda

une grotte majeure, Gutmanis, du pays

entre Turaida et Sigulda

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Vendredi 1er septembre

J'ai travaillé jusqu'à minuit hier soir, un peu cette nuit et ce matin. Je suis presque à jour, manquent les photos de la semaine en cours. Le ciel est enfin dégagé, plus ensoleillé que nuageux, plus frais, nettement moins saturé d'humidité surtout. Rien n'est parfait puisque le vent se présente à contre, plutôt fort de surcroît. Je pédale sans trop réfléchir, je lutte soit contre le vent, soit dans un massif splendide de pins mais à peine cyclable, soit à supporter le bruit des véhicules le long de la pénétrante pour Rīga (i avec une barre supérieure pour indiquer le i long, genre riiga). C'est une ville qui semble magnifique, a priori avec des bâtiments moins anciens que Tallin. On trouve comme presque toujours dans les pays nordiques, beaucoup de parcs et espaces récréatifs, très soignés et propres. La partie nord  est moins plaisante, une banlieue similaire à Nantes par exemple. À l'Ouest, après les ponts sur le fleuve Daugava et les universités, on ressent bien des implantations plus riches. Aux feux, on s'adresse à moi facilement par les questions habituelles. Un cycliste m'aborde en roulant. Nous discuterons longuement durant environ 10 km sur l'EuroVelo13 (et nationale vélo 1, et locale 132) jusqu'à Jūrmala (prononcer le j en i, le u en ou long, le r façon espagnol, après c'est normal). Il m'indique une pâtisserie excellente, toute petite mais avec quatre tables, où je déguste deux pâtisseries réellement maison et un grand café pour 3€85 !

Mon objectif demeure de séjourner une journée de repos sur la côte Ouest en fin de semaine, le jour où il ne pleuvra pas pour être précis. Il me faut donc pédaler deux jours à plus de 110 km chaque jour : ce n'est pas gagné. Bien que la chaussée soit ici goudronnée (une sorte de St-Marc-sur-mer, La Baule, Le Croisic), le vent opposé et l'arrivée précoce de la nuit me font planter à 90 km sur la plage dans un camping désaffecté.

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un parc dans la capitale lettone

 

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l'EuroVelo 10 entre Lilaste et Gauja

ou comment s'ensabler

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le cycliste de concert de Rīga à Jūrmala

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plantage à Ragaciems

(entre Lapmežciems et Klapkalciems)

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de ma tente

vue à gauche, au centre et à droite

 

Samedi 2 septembre

Le météo alterne au matin des petites averses et de belles éclaircies. Mes efforts de pédalage sont vains face au vent debout, même si le soleil redevient majoritaire : 130 km s'avère impossible avant la nuit. Je décide de ne plus suivre la côte et ses ramasseurs de champignons par centaines de voitures, pour couper par la campagne. Cela réduit d'environ 20 km, j'en ai effectué déjà 20, me reste donc 90 et il est 14h55. C'est mon calcul en grignotant à un arrêt de bus, vide, en pleine campagne, seul. Je lis benoîtement le panneau d'horaires à l'arrêt : bus, aujourd'hui à 15h01 vers Talsi que je dois traverser. J'effectue ainsi le premier trajet en bus avec vélo de ma vie, durant 35 minutes pour 2€28 incluant la prise en charge d'un seul bagage (0€38 pour 1 vélo et 6 sacoches). À l'arrivée, il pleut, sans tonnerre ni éclair, comme j'ai rarement vu : toutes les chaussées sont recouvertes d'eau. Sous l'aubette je charge le vélo et m'habille façon marin à Terre-Neuve. La ville est triste, sale, pauvre (les gens, l'inverse) ; on ressent bien qu'aucune aide européenne n'est parvenue jusqu'ici, que nul guide touristique ne préconise d'y passer, ni aucun itinéraire cyclable. Suivent des alternances de pluies diluviennes sous abris improbables, de jolis rayons de soleil, sans compter encore un bus pour 1€56 d'une aubette près d'un ancien kolkhoze jusqu'à la belle bourgade de Dundaga. J'atteins mon but avant la nuit avec "seulement" 70 km dans les pattes. Un "camping" (champ aménagé en bordure de maison avec toilettes, douche et wifi) pour 12€ la nuit. J'en prends deux qu'on me réduit à 20 au total par manque de monnaie.

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tout est désaffecté... mais restet des toilettes entretenues et une machine à café

car oui, c'est quand même le chemin de la plage du village

la dite plage

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un bizarre rectangle où il n'a pas plu

ma nouvelle chevalière

(plein partout après la pluie)

dans le bus

 

Dimanche 3 septembre

Dodo, p'tit dèj., site, toilette, longue promenade, dèj., site, douche, site, dîner, site, dodo.

Pas photo

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